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Ses peintures plus secrètes étaient destinées à enflammer les sens de l’élite fortunée et libertine qui organisait des soirées dans les salons très privés de somptueuses demeures. L’Orient faisait fantasmer et, en 1745, Boucher dévoile son tableau « L’Odalisque Brune “, une femme, apparemment sa femme, nue et allongée sur le ventre, les cuisses écartées, faussement surprise de l’indiscrète présence de spectateurs.
Le tableau respire la luxure au fil des perles, dans les volutes enivrantes des brûle parfums jusqu’à la mollesse du sofa. L’odalisque en sa pose lascive invite à de coupables plaisirs au creux de ses draps.
Ce tableau méconnu du grand public de l’époque a été très critiqué par Diderot qui le trouvait indécent et impudique. Il accusa même Boucher de prostituer sa propre épouse, ce qui n’empêcha pas le peintre de faire trois répliques de cette œuvre ainsi vilipendée et tellement appréciée.
Dans les tableaux de l’époque, les figures féminines étaient présentées comme des personnages mythologiques. Ainsi, Danaé et les nymphes observées par un satyre concupiscent épiant avec avidité les chairs offertes introduisaient le thème du voyeur pour lequel le tableau était réalisé.
Les amours de dieux antiques étaient ainsi convoqués pour mettre en scène la toute-puissance du désir humain.
La rencontre amoureuse est évoquée, suggérée mais jamais complètement dé- voilée. Les baisers, caresses et corps entrelacés évoquent la frénésie des pulsions d’un érotisme échevelé mais se limitent aux badinages, aux échanges de soupirs langoureux et aux prémices d’un baiser ardent à pleine bouche.
La charge sensuelle chez Fragonard ou Boudin devient plus effrénée mais, mas- quée par les draps et leurs plis, sans franchir les limites de la décence.
La violence du désir et la perte de virginité étaient représentées dans certains tableaux par des symboles comme l’œuf, la cruche cassée, la bougie consumée ou le lait renversé.