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Esther Lachmann naît à Moscou en 1819 dans une famille juive polonaise. Elle fuit la Russie après avoir épousé un modeste tailleur français, Antoine Villoing, et s’installe à Paris. Sous le nom de Thérèse, elle s’adonne à la prostitution. A cette occa- sion, elle rencontre Henri Hertz, pianiste mondain, qui lui présente les artistes en vue de l’époque comme Franz Liszt, Emile de Girardin et Théophile Gautier. Elle devient ainsi très vite une courtisane à la mode.
Séparée de son mari, elle s’expatrie à Londres et fait tourner les têtes des aristocrates britanniques comme Lord Edouard Stanley.
En 1848, elle revient à Paris au bras d’un aristocrate portugais désargenté, le marquis Aranjo de la Païva, qui l’épouse en 1851. Enfin noble par son union et très riche grâce à ses talents de séductrice, elle s’offre une belle demeure au n°28 place Saint-George, le « premier » hôtel de la Païva. Elle délaisse rapidement son marquis, joueur invétéré qui finit par ce suicider.Mais, l’ambitieuse courtisane voit plus grand et s’entiche d’un richissime aristocrate prussien cousin de Bismark, le comte Guido von Donnersmarck.
Fou d’elle, le comte lui offre un véritable palais sur la promenade la plus en vue de l’époque, l’avenue des Champs-Elysées. L’architecte Pierre Manguin (1815-1869) imagine pour abriter les amours de la célèbre cocotte une vraie débauche de luxe en un pastiche de la Renaissance italienne des plus onéreux. Dix millions de francs de l’époque seront dépensés pour ce Palais qui fit grand bruit. Pour la rousse sulfureuse rien n’était trop grandiose. Elle servit d’ailleurs de modèle pour plusieurs sculptures et pour la peinture du plafond dans le grand salon « Le Jour pourchassant la Nuit ».
Le grand escalier d’honneur en onyx jaune lui permettait de faire des entrées et des sorties remarquées au rythme de ses formes contournées sous son monumental lampa- daire de bronze et sous le regard impassible des statues en grandeur nature de Dante, Pétrarque et Virgile. Tous les décors intérieurs sont éblouissants par leur profusion d’éléments sculptés et leurs incrustations de marbre.