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Pour survivre à l’accumulation des dettes de son époux, Artemisia sera contrainte d’accepter de nombreuses commandes et devra adapter son style aux goûts de l’époque rapprochant ses lumières sombres du style de Caravage. Artemisia est réputée à son époque pour être une femme au charme extraordinaire et, si celui-ci lui a valu bien des tourments, il lui a ouvert aussi bien des portes. Souvent dans ses toiles ses plantureuses et énergiques héroïnes ont ses propres traits à la demande expresse de ses commanditaires.
Cette fascination qu’elle exerce et son succès ont nourri de nombreuses plaisante- ries sur sa vie privée tout au long de sa carrière.
Artiste précoce, femme tenace, libre et audacieuse, elle appréhende son rapport à la peinture comme un acte physique et libérateur.
Ce regard de la jeunesse féminine face à la vieillesse masculine hante son œuvre. Elle peint ainsi sa première toile « Suzanne et les Vieillards » à l’âge de 17 ans et revisitera ce sujet toute sa vie durant, en faisant une dernière toile 42 ans après.L’exposition se déroule chronologiquement en plusieurs salles, partant de son apprentissage à Rome dans l’atelier de son père Orazio, pour suivre les villes italiennes où elle séjourna. Ses premières œuvres romaines incarnent des figures féminines inspi- rées de la Bible ou de l’Antiquité, « Cléopâtre » (1611), « Danaë» (1612) et « Judith décapitant Holoferne » en deux versions florentines différentes. Ces œuvres mythologiques témoignent avec force et puissance de son désir de vengeance face aux violences subies. Les deux dernières salles napolitaines retracent les vingt cinq dernières années de sa vie.
Son magnifique autoportrait en allégorie de la peinture montre son apaisement, elle a enfin trouvé sa place et sa tranquillité. Artemisia, artiste singulière et douée, peintre à la cour sous le patronage des Médicis, fut une des seules femmes à peindre des héroïnes bibliques et mythologiques avec un réalisme brutal et pourtant une féminité totale en une atmosphère lourde d’étoffes et de clair-obscure.
Artemisa, telle la déesse dont elle a hérité le nom, sa vie fût faite de liberté, de beauté et de fureur en une chasse digne de l’Olympe.
Judith and her Maidservant with the Head of Holofernes(about 1623-5) © The Detroit Institute of Arts